Native

Clémenceau, lorsqu'il eut fini ses études de médecine s'est offert -son père lui a offert- une année sabbatique aux États-Unis. Il y a passé quelques années, en fait. Il lui en était resté une opinion sévère sur "un peuple de commerçants parvenus, vaniteux et immatures". Un jour où on lui parlait de la générosité des États-Unis, il s'est écrié : "Nous devons déjà à l'Amérique le syphilis et le Président Wilson, que pourrait-elle encore nous offrir ?"
Il dit un jour à Émile Buré en parlant des Américains : "Ce sont des Anglo-Saxons à l'état brut. Je m'en suis aperçu en arrivant pour le première fois à New York en 1865. Les murs, les palissades, la façade des maisons et même les trottoirs étaient recouverts de réclames qui sollicitaient les passants sur un ton agressif et vulgaire inconnu en France. Je n'avais encore jamais vu, par exemple, sur une affiche : ' Hé ! Vous qui avez les pieds sales, lavez-vous et venez chez nous acheter des chaussettes ! '. Je ne sais pas si les choses ont changé, mais à chaque fois que je suis allé aux États-Unis, j'ai pu constater que les Américains n'ont aucune idée de ce qui se fait et de ce qui ne doit pas se faire. La notion même de "savoir-vivre" leur est absolument inconnue... Cela me rappelle un histoire que m'a racontée Mandel. Un soir dans un cercle, en Angleterre, des gens s'amusent à organiser un jeu. Il s'agit de raconter le fait le plus invraisemblable. Un monsieur se lève et commence :
- Un jour, un gentleman américain...
Immédiatement les autres l'interrompent :
- Bravo !  Vous avez gagné !".
Le "Tigre" avait aisément la dent dure mais les Américains étaient une de ses cibles préférées. Toutefois les "indiennades" des États-uniens ne le troublaient pas davantage que les opérations de "pacification" de nos colonies auxquelles se livraient nos troupes en Afrique et en Extrême Orient.

Après la guerre, de nombreux Américains vnrent rendre visite à Clémenceau. Un matin, le Tigre appela son valet de chambre :
- Albert, i des personnages grands, assez mal habillés et bruyants viennent sonner et vous demander "la paire de Victoor", ne les mette pas à la porte. Ces gens ne sont ni grossiers ni inconvenants. Ce sont simplement des Américains qui ne parviennent pas à prononcer "Le Père la Victoire"... La "paire de Victoor", c'est moi !