Vous avez quoi dans vos poches aujourd’hui ?.

Moins sobre et difficile à ranger dans une poche...
Un mien ami qui était venu me voir à mon atelier m'a demandé si je pouvais faire quelque chose de ceci :

En fait, la soie était coupée à l’endroit où commence maintenant la rallonge que j'y ai brasée et que j'ai filetée pour pouvoir y visser un pommeau. En outre j'ai pris sur moi de lui réaliser un fourreau en bois avec verrouillage de l'arme.


Et cela a donné ceci :


J'ai commencé par rattraper la surface de la lame, sans chercher à faire du neuf. Cela valait le coup vu le travail d'origine :


Pour la poignée, j'ai dû réaliser cinq pièces en différents métaux :


1) La poignée proprement dite est constituée d'un bois de noyer tournée en section ovale, filigrané en laiton non torsadé. Le filigrane jointif est arrêté à chaque extrémité par une virole de laiton. Cette virole et les garnitures de fourreau sont réalisées à partir d'une feuille de laiton de 3 millimètres et demi d'épaisseur. Le fermeture de la bague est une soudure à la brasure d'argent. La couleur de la brasure refroidie est suffisamment proche de celle du laiton pour être invisible après polissage. Une fois la poignée proprement dite finie il a fallu la patiner et la vieillir pour la cohérence avec l'aspect de la lame.
2) Le pommeau est en acier garni d'une virole en cuivre et d'un bouton de pommeau en laiton. On verra mieux le travail un peu plus loin.
3) Virole de verrou et de fixation de la garde. Il s'agit d'un ensemble de trois pièces : une  virole interne en laiton qui reçoit le crochet de verrou porté par le fourreau. Cette virole interne est insérée dans une tube en acier fixé à la virole interne par trois vis sans tête. Pour masquer l'acier et ses vis, une virole externe en laiton ramène le diamètre de la virole de fixation de la garde au diamètre de la bague d'entrée de fourreau. Cette dernière virole a donc un but essentiellement décoratif.
4) Une bague de cuir assure la liaison feutrée entre la poignée et la garde.
5) La pièce maîtresse de la poignée de cette dague est la garde circulaire en bronze. En effet, si cette dague peut passer pour une arme de décoration elle doit être fonctionnelle parce que la lame de départ vient d'une dague de main gauche d'une panoplie de "duel estudiantin" d'une université du Sud de l'Allemagne. Autant dire que je tenais à ce que l'arme, plus que son fourreau, eût pu permettre en son temps l'exercice de cette discipline stupide.
Je suis parti d'un disque en bronze destiné au calage de précision d'un marteau-pilon ancien. J'avais récupéré ce disque dans les rebuts d'une usine du Creusot. Le bronze est un métal dur et j'ai dû réaffûter plusieurs fois l'outil de coupe de mon tour ainsi que les forets qui m'ont servi au perçage des quatre trous de passage d'une dragonne et celui du passage de la lame.


La vue ci-dessous montre le pommeau en acier avec sa baque de cuivre. L'objet de cette bague n'est que décoratif. Le pommeau est de section hexagonale pour permettre le serrage A LA MAIN une fois qu'on a démonté l'arme pour la nettoyer le cas échéant. Cette image montre aussi le détail de l'entrée de fourreau avec le bouton du verrou de retenue de la dague dans le fourreau. La grenadière à anneau fixe permet de passer une bélière en cordon qui relie de manière plus ou moins lâche la dague au ceinturon de l'uniforme universitaire.


Et enfin, voyons le bout du fourreau et la pièce en laiton qui assure le serrage de l'extrémité du fourreau. En effet, pour avoir accès à l'intérieur du fourreau et au mécanisme du verrou, toutes les pièces de laiton du fourreau sont démontables et au remontage on restaure l'étanchéité du bois en coulant de la cire d'ébéniste entre les deux pièces de bois.

Cela faisant deux ans que j'avais cette lame en dépôt. Le confinement m'a donné un peu de temps. Cette arme est en attente de dé-confinement. Elle repose sur une étagère de ma bibliothèque.

Cette lame vient d'Allemagne. Il s'agissait de la lame d'une main gauche appartenant à un ensemble de duel destiné aux duels à égratignures pratiqués dans les universités du sud de l'Allemagne. Dans la plupart des universités ces duels se pratiquaient avec une épée démouchetée. Dans d'autres universités de traditions encore plus anciennes, on pratiquait le duel à deux mains, une rapière dans la main principale - la droite pour les droitiers - et une dague de ce style dans la main secondaire. J'aurais dû, pour refaire une dague d'étudiant, me passer de faire le fourreau et mettre l'arme avec une garde en fer forgé dans un sac en cuir. Mais comme mon ami n'a pas l'épée, j'ai préféré faire une "création". Ayant vu les photos mon ami et sa femme sont enchantés. Nus attendons la décrue du déluge pour nous faire un barbecue et je lui remettrai sa lame rhabillée de neuf.