Vous avez quoi dans vos poches aujourd’hui ?.

Aujourd'hui, encore des poignards, mais d'Orient (proche et moyen).

Voici les trois de ce jour.


À gauche un poignard Afghan porté lors du Bouskachi par un Tchapandaz. Le Bouskachi est une sort de polo où la balle est la tête d'un mouton et les Tchapandaz sont les "joueurs" de ce polo très spécial.
Au milieu un poignard tcherkess parvenu en Jordanie par La Mecque. Les Tcherkess convertis à l'islam et venus en pèlerinage depuis la Circassie sont parfois restés en Arabie. Au cours des XVIII^e et XIX^e siècles ils ont formé des groupes de mercenaires et lorsque ce qui devait devenir l'Arabie Séoudite s'st constitué en un royaume les Hashémites gouvernaient la Ville sainte de La Mecque. Bons guerriers et soldats à la fière allure en vêtements circassiens les Tcherkess sont devenus la garde prétorienne des Emirs Hashémites. Avec la révolution d'Ibn Séoud, après la guerre de 1914-19, les Hashémites ont été chassés de La Mecque et l'Emir de l'époque, AbdAllah grand père du futur Roi Hussein de Jordanie, est parti avec sa garde tcherkess. Tandis qu'un Roi Hachémite a été placé sur le trône à Bagdad, un autre s'est vu confier l’Émirat de Transjordanie, l’Émir AbdAllah venu de La Mecque. Les tcherkess ont alors formé la garde Royale séoudienne, puis intégrés peu à peu dans l'armée régulière appelée la Légion Arabe ils sont encore maintenant des soldats réputés qui fournissent plusieurs officiers supérieurs à chaque promotion de l'Ecole de Guerre de Jordanie. Ce poignard a été acheté chez un ami antiquaire palestinien en 1989 à Jérusalem.
Le poignard de droite est une poignard bédouin adopté par l'armée jordanienne comme arme de tenue de parade. Il vient de Amman et m'a été remis officiellement à la fin de mon passage dans l'armée jordanienne en 1985-86.

1. Le"Bouskachi"

Acheté à Damas en 1989, ce poignard est arrivé d'Afghanistan dans les bagages d'une famille pachtoune qui vivait à Kaboul avant la prise de pouvoir des Taliban. Cette pièce provient du magasin des frères Stephan, syriens chrétiens qui avaient des magasins en Syrie et des correspondants en France où ils venaient annuellement en vacances.
Le fourreau de cette arme est un étui lisse en peau de mouton rasée avec une couture sur la face portée contre le corps. La lame au fil épais et peu affûté sert essentiellement d'arme d'estoc, un peu comme une baïonnette. Elle est néanmoins forgée en double acier - forge indienne - dite "de Damas" parce que les armuriers damascènes s'en étaient fait une spécialité.

Un gros plan sur cette lame montre le fibrage de l'acier qui est régulier sur toute la lame sans privilégier le fil. Ce style de lame peut servir à la frappe de pointe - d'estoc - sans souci de trancher les chairs mais bien d'atteindre un organe vital.


La décoration de cette armee est un très fin travail dans la lame et la poignée en acier qui fait corps avec la lame. Le motif du pommeau est une tête de bélier, animal symbolique pour les Tchapandaz, le Bouskachi commençant par une combat à mort de deux béliers chacun représentant une tribu. C'est la tête de l'animal vaincu qui sert de ballon de polo pour la deuxième partie de la réunion inter-tribale.
L'or employé pour les incrustations est de l'or à 20 ou 22 carats. Plus malléable que celui à 18 carats de chez nous mais plus dur que celui à 24 carats utilisé pour la bijouterie féminine en terre d’islam, ce métal inoxydable tient dans la durée si l'on prend soin de l'arme.
Les deux faces présentent des cartouches du même style mais avec des noms différents calligraphiés en alphabet arabe mais qui ne sont pas de noms arabes usuels. Les langues de cette région, urdu ou farsi et variantes, sont des langues indo-européennes et non de l'arabe ou dialectes arabes mêm si les scribes utilisent l'alphabet arabe avec quelques rajouts de consonnes.
-Lacier de la poignée a reçu un traitement de surface antérieur à l'incrustation d'or. Je n'ai pas cherché à identifier ce traitement qui tient au temps et rappelle par son aspect le niellage de l'agent qui est pratiqué sur certaines armes des Proche et Moyen orients.
Cette arme daterait, compte tenu d'un des noms qui est la signature d'un graveur doreur connu, de la deuxième moitié du XIX^e siècle.

(À suivre, sauf objection des administrateurs).

Voici les deux derniers poignards évoqués dans mon message précédent.
2) Poignard de l'armée jordanienne.