Colt Walker

Après lecture, je comprends mieux. Ce sont des oeuvres assez obscures, aussi bien dans leur traitement graphique que dans leur scénarii. Le dessin (souvent décrié) n'a rien de moderne, il est clairement inspiré des pulps italiens des années 60 et 70, quand des femmes dénudées étaient en proies à toutes sortes de menaces sur des couvertures colorées allant du Far West à la SF, avec des pages internes en N&B au trait nerveux :



Ce n'est pas un hasard si les deux protagonistes féminines de Colt Walker s'illustrent par un combat dans la boue puis passent le reste des deux tomes totalement dénudées dans une ambiance qui flirte souvent avec le sado-masochisme. Sans ces références culturelles en tête, la BD pourrait effectivement apparaître comme assez glauque, et le dessin assez daté, loin de l'infographie léchée moderne. Mais c'est tout sauf une erreur.

Idem côté narration. Nous sommes ici en plein retour d'acide de western spaghetti. Le personnage principal est une réincarnation assumée de l'Homme sans nom, avec la même dose de mystère, de cynisme, de misogynie et de cruauté. Les relations humaines normales sont abolies et tout y est exacerbé, la violence comme les pulsions sexuelles. On lorgne nettement du côté du roman noir, de la révélation de la part sombre de chacun. C'est clairement une bande-dessinée pour adultes, au sens psychologique du terme.

Malgré le souci de détail sur l'arme en elle-même, élevée au rang de personnage à part entière, son chargement et son fonctionnement, on notera deux détails techniques aberrants : son calibre énoncé comme étant du .52, et son explosion/reconstruction sans outils qui flirte avec l'opération de magie noire, mais ce n'est pas le seul évènement de cette double BD qui flirte avec le fantastique à plusieurs reprises.

La lecture de ce Colt Walker est une expérience autant visuelle que émotionnelle. A tenter pour les téméraires.