Lakota Noon - G. F. Michno

Cet ouvrage est l'une des références importantes de D. Cornut pour la rédaction de son essai sur la bataille. Il prend pour argument principal que puisque il n'y eut aucun survivant du détachement commandé par Custer, il faille se référer aux témoignages des amérindiens pour savoir ce qu'il lui est réellement arrivé une fois que Custer et Reno se soient séparés. Les historiens s'étaient montrés jusqu'ici très réticents à faire cela au vu des contradictions apparentes des guerriers dans leurs récits, et en prenant en compte un rapport à l'espace-temps assez différents entre blancs et amérindiens.

L'ouvrage propose aussi une segmentation chronologique très précise de la bataille (découpée ici en fractions de 10 minutes). Il est précisé que le début précis de l'engagement ne peut être retracé, et qu'il s'agit donc d'une chronologie reconstruite sur une base arbitraire. Chaque chapitre est conclu par une "discussion" où l'auteur nous propose son interprétation de certains témoignages obscures ou contradictoires et du déroulé de la bataille.

Bien qu'en N&B, l'ouvrage est agrémenté de nombreuses illustrations (cartes, photos des lieux, photos des guerriers amérindiens), ce qui est très appréciable. Le style est plutôt journalistique et le découpage assez rythmé permet (si on le souhaite) de faire des séances de lecture assez courtes.




Notre avis :

La grande force de ce livre, c'est de présenter dans un ensemble cohérent l'ensemble de la bataille vu par les amérindiens. L'espace de quelques heures, le lecteur est plongé au coeur du village indien et la suit comme s'il était lui-même un guerrier Sioux ou Cheyenne, côtoyant des figures mythiques comme Gall, Cheval Fou, Bison Assis. L'auteur a très bien respecté la vision parcellaire et disséminée des participants (chacun ne voit qu'une partie du champ de bataille et de l'engagement), mêlant la grande Histoire à chaque petite histoire personnelle. Le travail de synthèse est assez impressionnant.

Le tout forme une fresque assez saisissante qui permet de mettre à mal certaines thèses révisionnistes des années 60-70 : non, Custer n'est pas tombé dans une embuscade, tous les guerriers disent qu'ils étaient en train de dormir ou de se baigner dans la rivière après une nuit à faire la fête à et à courtiser les squaws jusqu'au petit jour lorsque Reno a attaqué le sud du village indien. Tous les témoignages amérindiens convergent également sur le fait qu'il y eut bien un dernier carré des troupes de Custer sur la colline où se trouvent actuellement le monument à leur mémoire, et que leur résistance fut désespérée.

Non avons bien aimé les réflexions de l'auteur sur la taille du village. Il ouvre des pistes intéressantes et apporte des éléments concrets, mais sans toutefois démontrer autant qu'il le pense son point de vue.

Par contre, la segmentation chronologique ne nous a pas convaincu. Les témoignages ne nous semblent pas assez précis sur ce point pour permettre d'établir un découpage aussi précis. Un découpage à la demie-heure nous paraîtrait plus crédible. On ne comprend pas bien ce qui permet à l'auteur de placer telle ou telle action ou telle observation à dix minutes près. On voit que l'objectif de l'auteur est surtout de montrer que les troupes de Custer n'ont pas été balayées en quelques minutes. Par ailleurs, les discussions sur le fait que Custer ait atteint ou non la rivière, ou que Cheval Fou ait emprunté ou non Deep Coulee nous laissent de marbre. Pour un européen, il s'agit avant tout de polémiques américano-américaines sur des détails hyper spécialisés de l'engagement qui ne changent pas grand-chose au final.

L'auteur se montre aussi très sévère avec certains guerriers. Il démontre, sans doute à juste titre, que Bison à la Femelle Blanche était un affabulateur (présents selon ses dires à tous les endroits de la bataille avec un don d'ubiquité qui prête à sourire), que Gall n'a sans doute pas joué le rôle qu'il s'est lui-même attribué par le suite. Par contre, nous ne comprenons pas sa sévérité envers Bison Assis ou Cheval Fou. Le premier a 42 ans à l'époque, il a dépassé l'âge de combattre, c'est un Homme Médecine, le chef spirtiuel du village et il est logique qu'il reste au village pour haranguer les troupes et organiser la fuite des non combattants. Quant au second, c'est quand même lui qui dirige le matin la contre-attaque sur la rivière qui massacre les troupes de Reno, avant de mener l'après-midi une charge qui perce les lignes US et sépare les détachements de Keogh et de Custer, précipitant leur isolement et leur destructions respectives. S'il y a bien un grand chef militaire indien sur le terrain, c'est bien Cheval Fou, l'admiration des témoins à son encontre est nette, et d'ailleurs son exécution sommaire par l'US Army 15 mois plus tard (un soldat lui assène deux coups de baïonette par surprise alors qu'il est menotté) montre bien qu'il est tenu comme l'un des principaux responsables de la défaite de Custer par le gouvernement US.

Un livre à lire, autant pour le récit de la bataille, que pour les aperçus qu'il offre de la vie des amérindiens, de leur façon de voir et leur conception de la guerre.

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